Les pèlerins sont-ils des marcheurs comme les autres ?

Michel Le Corps, membre de notre confrérie, ayant une longue expérience du Chemin, aussi bien en tant que pèlerin qu’hospitalierdurant de nombreuses années à Lectoure (Gers) a bien voulu se livrer à l’exercice délicat de la rédaction d’un éditorial.Le thème souvent passionnel, voire conflictuel, alimente parfois de vives discussions et oppose, souvent de manière artificielle,pèlerin et randonneur.
Bernard Lefils
Grand Commandeur

La pratique soit individuelle soit en groupe du pèlerinage ne peut se réduire à une histoire unique.
Cependant, les pèlerins se distinguent des randonneurs par leur quête de foi, de sens ou de ressourcement. Ils ont pour but d’atteindre un lieu de dévotion, source ou arbre, un endroit sacré qui accueille une relique tel qu’un tombeau ou un temple.
Si chaque pèlerinage a sa propre histoire et sa finalité, on peut néanmoins l’évoquer comme une tradition que, de tous temps, depuis le Néolithique jusqu’à nos jours, en passant par l’Egypte et la Grèce antiques, le pèlerin veille à respecter.

Le pèlerinage est un phénomène quasi universel, de tradition très ancienne, les premiers pèlerinages remontent à la préhistoire. Il a été et demeure un fait social majeurpermettant des rencontres et des échanges entre des femmes, des hommes qui, ne se seraient jamais rencontrés. Dans la plupart des cas, il constitue un cheminement intérieur spirituel que l’on retrouve dans toutes les religions du monde avec des traditions différentes qui remontent souvent à une expérience que les croyants ont vécue sur certains chemins ou dans certains lieux ; ils ressentent le divin.

Être en route, en marche, en mouvement est plus important que d’arriver.

Si l’on rencontre quelques pèlerins plus sportifs que croyants, cherchant à oublier le stress de la vie quotidienne et à « se vider la tête », le pèlerinage s’inscrit dans une relation très spéciale, voire intime entre Dieu et les hommes.
Le pèlerin marcheur ou voyageur qu’il soit juif, chrétien, musulman, hindouiste, bouddhiste ou shintoïste se met en route, chemine seul ou accompagné dans l’espoir de se ressourcer.
Qu’il se rende à Saint-Jacques-de-Compostelle, à Fatima, à Lourdes, à Jérusalem, La Mecque ou Gangotri, source du Gange, le pèlerin est en fait sur le chemin de lui-même, soutenu par sa famille, son clan et encouragé par la présence des autres, en route comme lui.

Cette route est la véritable raison du pèlerinage et le distingue de toutes les autres formes de déplacement. Une chose est certaine : le chemin ne commencera réellement que lorsqu’il aura été parcouru.

Michel Le Corps

Oser espérer

Le Père Michel Bonemaison, membre de la Société des Missions Africaines (SMA) ami et soutien de notre confrérie a bien voulu se livrer à l’exercice délicat de la rédaction d’un éditorial. Après deux années d’une crise sanitaire qui s’éternise, en ces temps si incertains, instables, marqués par un recours fréquent à la violence, Michel Bonemaison, infatigable missionnaire, esprit vif, œil malicieux nous livre son secret pour ne pas désespérer à quelques semaines de la fête de Noël.

Bernard Lefils
Grand Commandeur

Régulièrement j’aime relire une œuvre appréciée, voire aimée. Et en ce début du temps de préparation de Noël, la Nativité du Seigneur, mon choix s’est porté à nouveau sur ces belles pages de Paul Claudel intitulées : « l’Annonce faite à Marie ». L’impossible se réalise, après moult péripéties ; chacune et chacun retrouve la paix du pardon partagé, la joie du vivre ensemble et la certitude de pouvoir reconstruire … tandis que la dernière scène nous emmène dans la félicité éternelle avec ceux des protagonistes qui, sans réserve aucune, ont su offrir leur propre amour paternel ou fraternel pour le bonheur de la famille.

Un autre « conte de Noël » est celui que je vis en ce moment, le partageant à 80 ans au quotidien d’une bonne douzaine de jeunes Béninois. Ils viennent de tous les horizons, de tous les niveaux sociaux, de tous genres d’études après le bac. Le nombre de leurs années s’échelonne entre 22 et 28. Qu’ont-ils donc en commun ? Ils veulent vivre Jésus-Christ et le transmettre. Pour ce genre de requête nous avons mis en route une année de recherche : la propédeutique. Depuis la création de cette œuvre j’ai le bonheur de participer comme enseignant et aussi pour les aider à discerner leur vocation de disciples du Christ voire de témoin prêtre et souvent missionnaire car c’est avec ce projet qu’ils arrivent ici à Tankossi.

De quoi puis-je bien leur parler ? Sur quelle base est-ce que je modèle mon enseignement ? Allez mes amis, jouons le jeu, je vous invite à ouvrir votre Évangile et à commencer la lecture de saint Luc par ses deux premiers chapitres. Ce sera tout mais c’est beaucoup ! Les jeunes eux ont, comme vous, bien d’autres activités, matérielles, intellectuelles, spirituelles et surtout la vie de communauté. Figurez-vous qu’ils découvrent cette dernière et toutes ses exigences. Ce n’est pas peu et tellement différent de la vie de famille et pourtant nous menons en commun une vraie vie de famille ce qui comporte l’attention à l’autre, le respect sans limite du voisin, l’amour du travail ensemble. Et la surprise ce sont toutes les découvertes apportées par le savoir-faire de tel ou tel. Il me semble que chacun de nous, nous avons plein de belles choses à redécouvrir ou à remettre à la disposition de notre entourage.

La pandémie avait mis en berne tant d’aspects de nos vies que nous avons bien des raisons de nous remettre à respirer librement. La Covid montre toujours son nez ? Que grand bien lui fasse nous ne sommes pas ses esclaves, elle nous a seulement permis d’apprendre à être prudents. Pour ce Noël 2021 je souhaite à tous sans exception : finies les phobies, terminées les peurs.

Vous croyez qu’il y a 2 000 ans les Hébreux n’avaient pas de nombreuses raisons de se terrer sous le joug de l’impérialisme romain et de la dictature de certains de leurs chefs politico-religieux ?
Mais un prophète s’est levé, plus qu’un prophète puisque Jean le Baptiste disait de lui qu’il n’était pas digne de dénouer sa sandale.

Cet homme a conquis les foules, il les a rassasiées, et surtout lorsqu’il croisait un exclu, il lui redonnait sa dignité humaine. Chez nous aujourd’hui, ceux qui veulent le suivre sont bafoués comme il l’a été. Mis en Croix je le suis comme lui quand mes frères font de grosses bêtises, mais aussi quand on en profite pour calomnier mon Église et détruire la réputation de l’un de nous.

Et pourtant ce Jésus, car c’est lui le prophète dont on célèbre la naissance, ce Jésus est vivant. Il vit avec moi et par son Esprit me donne d’être et d’être heureux au milieu de toutes ces vicissitudes. Que puis-je vous souhaiter de plus à l’occasion de cette merveilleuse fête ? Vivez avec le Christ Jésus dans la paix et la joie.

Redevenez des petits comme il a su si bien le rester toute sa vie. C’est le secret du bonheur.

Bien cordialement

Michel Bonemaison

Renaissance

La crise sanitaire perdure depuis plus d’un an. C’est long, trop long diront certains, une lassitude et une morosité bien naturelles se sont installées. Restons seulement dans le champ sociétal, le mouvement associatif et en particulier jacquaire est à l’arrêt ou presque.

Les rencontres amicales ont disparu, en raison de protocoles exigeants, les beaux projets portés par les associations en cette année jacquaire sont, soit abandonnés, soit reportés de plusieurs mois. Quant aux pèlerinages sur les voies jacquaires tant françaises qu’espagnoles, le « stop and go » est de rigueur. Nous avions noué des espérances, certes mesurées, au début du mois de mars, le troisième confinement décidé par les autorités publiques françaises, à compter de ce dimanche de Pâques, constitue une nouvelle épreuve.

Faut-il pour autant désespérer ? aucunement, chaque pèlerine et pèlerin, le sait, le Chemin de Saint-Jacques, le fameux « Camino », quelle que soit la voie jacquaire choisie, est difficile. Ce n’est pas une « balade de santé », chaque étape réserve son lot de surprises, conditions météorologiques exécrables, (forte pluie, neige ou chaleur accablante…) dénivelé conséquent, état mental et physique personnel.

Et pourtant, une force supérieure nous convie chaque nouveau matin à avancer, toujours plus loin, là-bas, vers la lointaine fin de terre de Galice, pour nous recueillir sur le tombeau de l’apôtre Jacques le Majeur, premier disciple du Christ à avoir été martyrisé.

A la veille de cette fête de Pâques 2021, ne perdons pas espoir en la lumière retrouvée, ne perdons pas espoir dans les autres et en nous-mêmes. Transformons cette épreuve de la Covid-19 en une force collective et individuelle pour nous aider à aller toujours plus loin. Réapprenons les gestes simples que nous enseignent le Chemin, partager un fruit, une barre de céréales, tendre sa gourde à celle ou celui qui n’a plus d’eau. Réapprenons à être, tout simplement, fraternels, solidaires et humains. Redécouvrons les joies d’une renaissance proche.

En cette Pâques 2021, félicitons et remercions le mouvement jacquaire de savoir se montrer uni, à travers une lettre commune des trois composantes que sont la Société Française des Amis de Saint-Jacques de Compostelle, la Fédération française des amis des Chemins de Compostelle et Webcompostella.

Notre confrérie est heureuse de cette initiative et souhaite à chacune et chacun d’entre vous une heureuse fête de Pâques 2021.

Bernard LEFILS
Grand Commandeur

Pour lire la lettre commune cliquez sur ce lien

Espérance

En cette période où « l’Esprit de Noël » devrait souffler, nous vivons collectivement des moments de grande interrogation, voire de profondes inquiétudes. Je vous invite à relire Charles Péguy et à partager le texte rédigé par notre ami et confrère Michel Le Corps.

Bernard Lefils
Grand Commandeur

« C’est la Foi qui est facile et de ne pas croire qui serait impossible. C’est la Charité qui est facile et de ne pas aimer qui serait impossible. Mais c’est d’espérer qui est difficile…
Et le facile et la pente est de désespérer, c’est la grande tentation.
La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut ; sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance s’avance…
C’est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle (l’espérance) voit ce qui sera.
La Charité n’aime que ce qui est. Et elle (l’espérance) aime ce qui sera. »

(Charles Péguy – Le porche du mystère de la deuxième vertu)

Fête-de-la-Nativité-Fête-de-l-Espérance

Édouard FOURNIER-LAROQUE Grand Hospitalier sortant

Dans un précédent éditorial au printemps 2016, je vous avais soumis une réflexion sur l’Espérance en tant que deuxième vertu théologale.

Je vous invite d’ailleurs à la relire. Cette fin d’année 2016, me donne l’occasion de l’aborder sous un autre angle, celui de la Nativité, témoignage intemporel et universel, d’Espérance. La naissance de l’Enfant Jésus, fils de Dieu, par l’intermédiaire de la Vierge Marie, constitue l’élément fondateur central de la tradition chrétienne « Dieu a tellement aimé les hommes qu’il leur a envoyé son Fils ».

Cet enfant naît dans une grotte, et est déposé dans une mangeoire, entre l’âne et le bœuf. Il est très vite adoré par les bergers puis par les Roi Mages. La grotte, cavité naturelle, non construite de main d’hommes est par essence un haut lieu initiatique, que l’on peut assimiler à l’être intérieur, au cœur de l’homme. C’est également le lieu de l’enfouissement, de la mort, mais aussi celui de la renaissance. La mangeoire préfigure symboliquement qu’Il est appelé à être notre « nourriture » en devenant par la suite le Christ (le « oint ») :

« Ceci est Mon Corps, prenez et mangez, Ceci est Mon sang, prenez et buvez … ».

Le bœuf, dans l’antiquité représentait la fertilité, la puissance sexuelle. L’âne, représente l’homme basique, souvent travailleur assidu mais borné, têtu, Ils réchauffent l’enfant Jésus de leur souffle et pourtant ce souffle porteur des instincts basiques de l’homme est d’emblée maîtrisé par Celui qui est appelé à être le Christ, le nouvel Adam.

Le message est donc fort et clair : Jésus-Christ, Dieu incarné en homme nous montre le Chemin et le Sens de la Vie, qui consiste à maitriser nos instincts basiques et à nous élever petit à petit en spiritualité. Ou pour dire autrement, Dieu fait homme pour que l’homme se rapproche de Dieu. Il est adoré des bergers, des gens simples, dont le cœur ressent instinctivement l’Espérance universelle que porte ce nouveau-né.

Il est adoré des Rois Mages, des gens puissants, qui viennent s’agenouiller devant ce nouveau-né en qui ils reconnaissent le Messie. Ils représenteraient les trois continents connus à l’époque. Ils lui apportent l’Or, l’Encens et la Myrrhe, symbolisant les fonctions royale, sacerdotale et prophétique. Il bénéficie donc d’une reconnaissance universelle.

Quant à la date retenue du 25 Décembre, du solstice d’hiver, de la Saint Jean l’Évangéliste, elle représente la renaissance de la lumière après la nuit la plus longue, et donc l’Espérance de la Lumière qui croît, de la chaleur qui progresse, l’incandescence de la bûche qui se consume dans la Cheminée (Axis Mundi). Fête de l’Espérance bien sûr, mais aussi fête hautement initiatique.

Certes on retrouve de nombreux points similaires dans l’histoire de Bouddha, de Krishna, de Mithra, d’Horus. Il n’en demeure pas moins que notre calendrier occidental est basé sur cet évènement central du Christianisme, que nous en sommes imprégnés depuis environ 2000 ans et que cela fait sens. Je vous invite donc à l’occasion de ce message intemporel et universel d’Espérance autour de la nuit de Noël, à vous agenouiller humblement et sincèrement devant tout ce que ce nouveau-né porte en potentialité et en Espérance et « le reste vous sera donné par surcroît ».

Bonnes fêtes de Noël à vous et à vos familles, en plénitude du sens et de l’Espérance Christique.